Ma mère, Elesia, était la fille d'un maître forgeron du fort de Benden. Elle n'était pas plus bête qu'une autre mais elle se fit avoir par un homme qui la dupa et passa une nuit dans son lit avant de se sauver avec quelques biens volés à mon grand-père. 9 mois plus tard, j'arrivai en ce monde. Ma mère, faible et incapable de m'élever correctement, délégua mon éducation à mon grand-père, Selarion, un homme dur. Je suis certain qu'il adorait me battre... En tout cas, je le détestai de tout mon être comme je détestai ma mère d'être faible. Tout jeune, j'avais l'ambition de me sauver de chez moi même si j'étais destiné à être forgeron comme mon grand-père.
Je me souviens qu'il avait commencé à me battre vers mes cinq ans, quand je ne me montrais pas suffisamment fort à ses yeux. Si je me plaignais, je me faisais frapper. Si je pleurais, je me faisais frapper. Si j'osais contre-dire le vieil, je me faisais frapper. Au début, c'était principalement des gifles mais rapidement, il prit un malin plaisir à me fouetter avec sa ceinture. J'en garderai les stigmates jusqu'à la fin de mes jours. On pouvait se demander ce que ma mère faisait pendant ce temps... Elle ne faisait rien. Elle le voyait faire et ne faisait rien pour protéger son fils. Leurs comportements ont déclenché en moi une colère et une rage noire. Je leur en voulais tellement. Dans ma colère, je trouvais la force de ne pas pleurer même lorsque la peau de mon dos s'ouvrait sous les coups de mon grand-père, même lorsque ma peau me brûlait parce les coups s'abattaient sur les plaies déjà ouvertes ou qui n'avaient pas eues le temps de cicatriser.
Une fois, je m'étais enfui de chez mon grand-père. J'avais trouvé refuge chez une vieille femme, une ancienne guérisseuse. Elle s'était occupé de moi, avait soigné du mieux qu'elle le pouvait mes plaies. Quand elle m'avait demandé qui m'avait fait cela, j'avais refusé de dire la vérité. Le soir j'étais rentré chez mon grand-père et il me mit l'une des pires raclées de ma vie.

Le jour où les chevaliers dragons vinrent au fort en 1233 fut le plus beau jour de ma vie. Quand ils détectèrent un don en moi, je sentis que mon fardeau s'allégeait. J'allais pouvoir partir, échapper à mon enfer. Je n'hésitai pas une seconde à dire « oui ». Je mentis même aux chevaliers dragons, je ne voulais pas que mon grand-père puisse me refuser de partir alors je dis que j'étais orphelin, que personne ne se souciait de moi et que j'étais bien assez grand et mature pour savoir ce qui était bon pour moi. De toute façon, je me serais débrouillé pour partir tôt au tard. Ou j'aurais tué ce vieux fou de forgeron.
Je n’eus plus un seul contact avec ma famille depuis ce jour.
Même si la vie au weyr n'était pas toujours facile, j'étais bien mieux loin de l'homme qui me battait pour son plaisir. Pendant 3 ans, je dû remplir les corvées échues aux candidats. Ce n'était pas toujours facile ni agréable mais tout valait mieux que l'enfer de mon ancienne vie car au weyr, je découvris l'entraide, l'amitié, des relations saines. Je me portais tellement mieux même si je restais ce garçon endurci par des années passées à côtoyer mon grand-père.
Puis arriva un autre jour fabuleux, l'éclosion de Nelereth. Je venais tout juste d'avoir 16 révolutions et je rencontrais mon plus fidèle compagnon et ses commentaires acerbes... En fait, à cette époque, il me disait surtout « J'ai faim ! » ou « Nourri-moi ! ». J'aime beaucoup critiquer le caractère de Nelereth mais j'adore mon dragon et je ne sais pas ce que je ferai sans lui. J'adorais déjà passer du temps à m'occuper de lui et je m'appliquais à lui donner la plus belle vie possible. Je voulais peut-être lui offrir ce que je n'avais pas pu avoir. Je pense aussi qu'il comprenait déjà que j'étais un jeune homme en souffrance et il me semble qu'il tentait d'être délicat pour moi, pour ne me blesser d'avantage. Cette même année, une autre excellente nouvelle arriva à mes oreilles : mon grand-père était mort, il avait été emporté par une maladie. Ce n'est pas beau de se réjouir de la mort de quelqu'un mais cet homme était tellement mauvais que je ne peux m'empêcher de me dire que sa mort était une chose tout à fait positive.
La vie d'aspirant chevalier-dragon me plaisait beaucoup même si elle était dure. Mes mentors, entraîneurs et autres louaient déjà, à l'époque, ma grande compréhension des tactiques militaires. Certains se lamentaient que je n'ai pas été choisi par un dragon bronze mais qu'importe. Pour une fois, quelqu'un, autre que Nelereth, s'intéressait à moi pour ce que j'étais : un garçon particulièrement doué dans les pratiques militaires.

La vie d'aspirant s'arrêta rapidement et j'entrai dans ma première escadrille. Je « participai » au premier vol nuptial de Nelereth qui choisi la dragonne d'une dame verte. J'étais soulagé. Je savais ce qui arrivait aux maîtres des dragons et je n'avais pas vraiment envie de coucher avec un homme, d'autant que c'était la première fois pour moi. Je n'avais jamais vraiment pensé au sexe et j'étais très maladroit avec les jeunes filles. J'étais totalement perdu. C'était incroyable. Par la suite, je songeais à « m'améliorer » et à explorer en profondeur les relations hommes-femmes. Pendant mon temps libre, je commençais à passer un peu de temps avec les jeunes femmes du weyr. Après quelques mois, j'avais rattrapé mon retard sur la majorité des hommes de mon âge même si je ne voyais, pour le moment, aucun intérêt à être en couple ou à faire l'amour -autre que pour le bien-être de mon dragon-. Puis arriva le jour où mon petit monde vola en éclat. Durant un autre vol nuptial, Nelereth sélectionna la dragonne d'un chevalier dragon. Sous l'influence des émotions de mon dragon, je couchais avec le chevalier. Cette expérience me plu d'une façon incroyable. Je n'avais jamais aimé autant le sexe. Sauf que le lendemain, je me réveillais avec une question pressante : avais-je aimé ça à cause de mon dragon ou avais-je aimé ça parce que j'étais attiré par les hommes ? La seule pensée d'être homosexuel ou bisexuel me rendait malade. Mon « aventure » du soir était un homosexuel notoire. J'avais besoin de savoir ce que j'étais, qui j'étais, qui j'aimais. Je demandais alors à mon aventure de coucher une nouvelle fois avec moi et là, sans l'effervescence des sentiments de mon dragon, j'en eus le cœur net : j'étais attiré par les hommes. Par la suite, je m'employai à cacher cette partie de ma personnalité.
Ma vie fut tranquille. Quatre ans après la découverte de ma sexualité, je fus promu second d'escadrille et aucun détail de ma vie privée ne filtra. Je préférais rester secret.

Mon histoire connu un tournant six ans plus tard. A la fin de l'année 1251, je rencontrai un adorable aspirant, Milios. J'eus le coup de foudre pour lui. Je le pris sous mon aile et il me prit comme mentor. Je me souviens encore de sa façon de débarquer dans mes quartiers sans prévenir, notamment dans ma salle d'eau quand je me baignais. Oh oui, je le revois encore comme si c'était hier. Ses yeux verts qui tombaient sur ses pieds alors que ses joues s'empourpraient. Je n'en menais pas large, je n'étais pas vraiment à l'aise d'être presque nu devant ce garçon. Sa façon de bafouiller était adorable même si ce qu'il me disait était beaucoup plus perturbant : « Je vous aime, El'sten »... Je me souviens encore du goût de ses lèvres sur les miennes. Possédé par mes plus bas instincts, je l'avais tiré à moi et l'avais fait tomber dans le bassin où je me baignais. Là commença ma première relation amoureuse. C'était fou, il avait fallu que j'attende l'âge de 31 révolutions pour connaître l'amour et l'envie de posséder une personne et d'appartenir à cette même personne.
Malheureusement, le jeune aspirant n'avait pas le droit d'avoir des relations sexuelles. Ce fut dur mais nous arrivâmes à tenir bon. En plus, nous avions une autre contrainte : ne pas nous montrer en public. Si personne ne savait que j'entretenais une relation avec un homme, je pouvais toujours cacher ma bisexualité... C'était pour cela que j'imposais à mon jeune amant de ne venir me voir qu'à la nuit tombée. Comme ses devoirs d'aspirant lui prenait beaucoup de temps, il acceptait cette condition. Dès qu'il fut chevalier-dragon, nous nous adonnâmes à une nuit entière de sexe et de passion. Jusqu'à récemment Milios se pliait à ma demande mais petit à petit, il voulait que nous nous affichions comme un couple. Malheureusement, mon orgueil était trop grand, je ne pouvais pas montrer à tout le monde ma sexualité qui me dégoûtait. Je ne pouvais pas.
Ce fut à cette période que nous apprîmes la tragédie du weyr d'Ista. Le conseil se réunit et seul le weyr auquel j'appartenais décida de venir en aide à ses « compagnons » d'Ista. J'insistais auprès de tout mes supérieurs pour être envoyé là-bas. Personne ne se douta que je fuyai quelqu'un au weyr... C'était mieux ainsi. Comme ça, je pouvais vivre une nouvelle vie ailleurs (Même si le mieux aurait été de pouvoir changer de planète)...